Ethnopsychiatrie

DÉFINITION

L’ethnopsychiatrie réserve une part égale

  • à la dimension culturelle du désordre et de sa prise en charge
  • à l’analyse des fonctionnements psychiques

L’ethnopsychiatrie contraint les cliniciens à l’analyse des ressources thérapeutiques des sociétés traditionnelles

 

POSTULATS

Un postulat: universalité psychique ou unité fondamentale du psychisme humain

Même statut éthique et scientifique à tous les êtres humains, à leurs productions culturelles et psychiques, à leurs manières de vivre et de penser

Cela paraît une évidence, mais ce n’est pas toujours le cas

Tout homme a une culture fondant son humanité et son universalité

 

LE COMPLÉMENTARISME

Le complémentarisme n’exclut aucune méthode, aucune théorie variable, il les coordonne

Le discours de la psychanalyse et de l’anthropologie sont dits complémentaires

C’est la différence entre deux visions du même objet qui informe l’observateur

 

RÉAMÉNAGEMENTS DES MANIÈRES DE PENSER ET DE FAIRE

Comment établir une relation avec un patient qui n’appartient pas à la même culture que nous ?

Comment prendre en compte les variables culturelles dans une approche thérapeutique ?

Comment utiliser à des fins thérapeutiques l’articulation entre un prétendu “dedans” de l’individu (le psychisme) et un prétendu “dehors” (la culture) ?

Dispositif groupal recevant le patient et la famille

Dans les sociétés traditionnelles, la maladie est considérée comme un évènement ne concernant pas seulement l’individu malade mais aussi la famille et le groupe

Analyse du transfert et du contre transfert

Analyse du contre-transfert culturel en fonction de l’identité culturelle du thérapeute

 

ENJEUX TRANSCULTURELS

Prise en compte des enjeux transculturels indispensable

Reconnaître l’altérité et la différence sans la réifier au point qu’elle devienne aveuglante

A la fois vulnérabilité liée aux facteurs culturels et à la fois fonction protectrice

Parallèlement aux facteurs culturels, nécessité de ne pas oublier les facteurs socio-économiques et environnementaux (lieux et conditions de vie)

 

MIGRATION

Événement migratoire = acte psychique

Potentiellement traumatique. Traumatisme peut se répéter. Mais ni constant ni inéluctable. Aggravé par conditions socio-économiques

Source de réaménagements psychiques, défensifs, adaptatifs ou structurants

Nouvelle dynamique. Migration porteuse aussi de potentialités créatrices

 

ENFANTS DE MIGRANTS

Moments de grande vulnérabilité de l’enfant de migrants correspondant aux époques des acquisitions structurales décisives:

  1. Dans la période péri-natale (mise en place des interactions précoces mère-enfant)
  2. Au moment des grands apprentissages scolaires, la lecture, l’écriture et le calcul de 6 à 10-11 ans
  3. Enfin à l’adolescence, moment des choix sexuels et des choix de vie.

Remise en cause des liens de l’enfant et de sa famille

À l’adolescence

  • Moment de structuration de la filiation (par rapport au groupe familial)
  • Moment de construction des affiliations (par rapport au groupe culturel)

Enfants de migrant en situation transculturelle

  • Structuration culturelle construite sur un clivage entre le monde lié à la culture familiale d’origine et le monde du dehors

Enfant de migrants contraint à faire des liens, à inventer des stratégies et à se métisser

Les 2 mondes ne doivent pas être hiérarchisés

  • Le monde de la maison a ses propres valeurs, ses propres savoirs, il est digne de reconnaissance

Illusion d’un choix entre les 2, mais appartenance à ses deux mondes à la fois

 

L’ENFANT MIGRANT

L’enfant migrant d’un pays étranger doit faire face

  • Changements de conditions de vie
  • Rupture avec une partie de la famille et condisciples
  • Changements linguistiques, culturels, climatiques
  • Conditions socio-économiques le plus souvent médiocres

Souffrance liée à l’écart entre culture d’origine et culture d’accueil pour les parents

Difficultés de l’enfant liées principalement à l’écart entre la langue familiale et la langue sociale

Pour l’adolescent: tensions exacerbées résultant de la confrontation entre les deux cultures – à un moment crucial de quête d’identité

Les parents vivent

  • Rupture du mode de vie habituelle
  • Sentiments de perte et de deuil
  • Insécurité éprouvée dans le pays d’accueil, craintes, besoin d’une identité nouvelle

Sentiments de perte et de crainte compensés par l’espoir financier ou politique mais prix à payer souvent plus lourd avec risque de repli défensif sur la cellule familial et refus d’une intégration culturelle

Risque de fragmentation culturelle avec vie professionnelle/scolaire dans la culture nouvelle et vie domestique dans la culture d’origine

Risques liés aux conditions économiques médiocres pour un grand nombre de familles migrantes

Pour l’enfant: risques liés

  • au biculturalisme et à la fragmentation de la vie sociale
  • au niveau de vie économique et carences
  • remaniements familiaux secondaires aux nouvelles conditions de vie

L’enfant en apparence acculturé

Détenteur de la nouvelle langue, il devient le médiateur auprès de la culture d’accueil

Bilinguisme intra familial: importance du niveau socio-culturel: développement du langage corrélé au niveau de langage de l’environnement

Bilinguisme d’immigration: difficultés de nature plutôt psychologiques que linguistiques: illustration de la place respective et souvent hiérarchique de chaque culture au sein de la famille

  • soit rejet de la culture d’accueil et cramponnement à la culture d’origine
  • soit survalorisation de la culture d’accueil avec recherche désespérée d’intégration au prix d’un renoncement aux attaches traditionnelles

 

PATHOLOGIE DE L’ENFANT MIGRANT

En terme épidémiologique, c’est un facteur de risque

Difficile de le dissocier de la situation socio-économique défavorisée / chaque facteur renforce l’autre

ASE: risque de placement temporaire pour un enfant maghrébin ou portugais multiplié par 20 par rapport à un enfant français +++

Risque pathologique

  • Avant l’âge scolaire: pathologie carentielle somatique et/ou psychique; essentiellement liée aux facteurs soico-économiques
  • Période de latence: difficultés scolaires
  • A l’adolescence: conflits d’identité amplifiés par la réalité du biculturalisme

Enfant d’âge scolaire: risque d’échec scolaire ++

  • 30% des enfants de migrants ont au moins un an de retard
  • 20-25%: deux ans de retard
  • Variations selon nationalité et ancienneté de l’immigration

Echec scolaire lié à:

  • Difficultés linguistiques
  • Niveau socio-culturel
  • Mauvais système pédagogique
  • Renforcement de l’échec par le processus de la ségrégation

Nécessité de mettre en place techniques de réeducation individuelle (aide pédagogique, orthophonie,…)

Efforts de l’éducation nationale

  • Classe d’initiation à la langue française, classes de soutien
  • Horaires de soutien et de rattrapage
  • Extension des bourses pour le second degré

En conclusion:

  • Les difficultés rencontrées résultent d’une série de facteurs à prendre en compte ++
  • Nécessité d’évaluer leur rôle propre avant d’envisager une attitude thérapeutique

 

L’ADOLESCENT MIGRANT

Apres une longue période d’enfance avec problématique de migration

Echec scolaire de l’adolescent fait souvent suite à un échec scolaire dans l’enfance: renforcement de la spirale de l’échec

Situations diverses

  • Enfant de migrant: pas de problème de langue, absence d’identité culturelle stable, conflits liés au biculturalisme
  • Arrivée dans le pays de migration enfance ou adolescence: difficultés linguistiques, perte des repères socioculturels de son enfance mais conservation de son identité culturelle

Importance des problèmes d’espace, de temps et d’identité

  • L’espace vécu du migrant est amputé, marqué par la perte, avec idéalisation de l’espace perdu et projection persécutive sur l’espace présent (vécu d’hostilité voire de racisme, priojection des difficultés dur les conditions nouvelles,…)
  • Le temps vécu est dominé par l’état de suspension du temps présent, temps entre parenthèses, placé entre le temps du passé marqué par la nostalgie, les regrets, la culpabilité et d’un autre côté le temps du futur marqué par l’idéalisation du retour
  • L’identité s’organise autour du manque, vécu par l’individu lui-même et renvoyé par les autochtones

 

FRÉQUENCE ET SPÉCIFICITÉ DES TROUBLES

Fréquence des manifestations psychopathologiques identique dans la population d’autochtones et chez les migrants, à niveau socio-économique équivalent

Cependant pourcentage élevé d’adolescents en situation d’échec scolaire ou de marginalisation sociale

Amélioration à mesure qu’augmente l’ancienneté de la migration

 

TROUBLES LIÉS AUX DIFFICULTÉS EXTERNES

Echec scolaire

  • Lié aux difficultés linguistiques, médiocre niveau socioéconomique, système pédagogique souvent inadapté, renforcement de l’échec par le processus de ségrégation,…
  • 10% d’enfants migrants dans le cycle primaire /6% dans enseignement secondaire et 2,7% dans les lycées
  • 50% placés dans des classes à programme allégé dès la 6ème

Troubles du comportement/délinquance

  • Sur criminalité des mineurs étrangers avec surreprésentation pour la criminalité violente
  • Risque: alimenter une réaction de rejet et de rejet de la part de la population locale et d’amplifier l’échec de l’insertion sociale
  • Hypothèses sociologiques: acculturation brusque et changement soudain des valeurs sociales, norme plus floue,… / « conflit de culture » / profil des individus migrants

 

TROUBLES LIÉS AUX DIFFICULTÉS INTERNES

Manifestations hypochondriaques: fréquentes notamment des cultures d’Afrique du Nord ou Afrique Noire
moyen culturel d’expression des conflits, repli défensif, des différences morphologiques ou de couleur de peau accentuent les préoccupations sur le corps fréquentes à l’adolescence ++

Etats dépressifs: liés aux sentiments de perte d’identité culturelle, au vide ou au vécu de dévalorisation
pourcentage élevé d’adolescents migrants parmi les adolescents suicidants

Episodes psychotiques aigus: pas plus fréquents mais problématique d’identité au premier plan avec passages à l’acte délirants (destruction des papiers d’identité, construction généalogique délirante)

 

CONCLUSION

Tout intervenant doit sortir d’une stratégie de confrontation et de clivage et au contraire favoriser tout ce qui va dans le sens de la reconnaissance des parents et des adolescents et de la richesse de leurs savoirs

La multiplicité des regards est toujours la bienvenue et des lieux de passage entre les mondes sont à inventer constamment

 


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