UE 2.2 – Physiologie intégrée et physiopathologie

Hypothermie péri opératoire


I. Généralités

L’hypothermie péri opératoire correspond à une température corporelle centrale inférieure à 36°C avant, pendant ou après une intervention chirurgicale. La normothermie péri opératoire étant définie par une température centrale entre 36,5°C et 37,5°C.

3 stades d’hypothermie :

  • Légère = température entre 35,9°C et 35°C
  • Modérée = température entre 34,9°C et 34°C
  • Sévère = température inférieure ou égale à 33,9°C

Les mécanismes qui permettent les pertes ou gains de chaleurs sont appelés échanges thermiques, on distingue : le rayonnement, l’évaporation, la convection et la conduction.

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II. Thermorégulation

La thermorégulation est le mécanisme qui permet à l’homme de conserver une température centrale entre 36°C et 37,5°C quelles que soient les variations du milieu ambiant.

  • Centre régulateur de la thermorégulation = hypothalamus
  • Thermorécepteurs périphériques = terminaisons des neurones sensitifs (peau)
  • Thermorécepteurs centraux = organes abdominaux, gros troncs veineux, moelle épinière

En cas de variation significative de la température, l’hypothalamus déclenche une réponse permettant la lutte contre le froid ou le chaud.

Réactions au froid : vasoconstriction cutanée, augmentation du tonus musculaire, apparition du frisson (sauf chez le nouveau-né)

Réactions au chaud : vasodilatation cutanée, hyperventilation, sudation

La thermorégulation la plus efficace de l’homme, ce sont les réponses comportementales d’abord déclenchées par la sensation cutanée puis relayées par le système hypothalamique.

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III. Mécanismes de l’hypothermie péri opératoire

Mécanisme en 3 étapes :

  1. Phase rapide : diminution de 0,5 à 1,5°C lors de la première heure d’anesthésie
  2. Phase lente : après la 1e heure d’anesthésie, perte thermique de quelques dixièmes de °C par heure d’anesthésie
  3. Phase de plateau : déclenchement de la vasoconstriction dans les muscles et les phanères

Les variations thermiques les plus importantes ont lieu lors de la 1e heure

Lors d’une anesthésie générale, l’inhibition centrale de la thermorégulation est majorée par l’effet vasodilatateur des médicaments d’anesthésie.

Lors d’une anesthésie neuro-axiale, la redistribution interne est déclenchée par la sympatholyse provoquée par les anesthésiques locaux.

 

IV. Facteurs favorisant l’hypothermie péri-opératoire

Facteurs liés aux patients : IMC bas, dénutrition, ASA > 1, , < 2 ans, > 55 ans, brûlé, lésions médullaires, état de choc, conditions préexistantes altérant la thermorégulation, hypothermie préexistante

Autres : type, étendue et durée de la chirurgie, anesthésie > 2h, anesthésie générale et neuro-axiale combinées, ventre ouvert, clampages artériels et garrots, utilisation de grande quantité de liquide d’irrigation, de solutés ou de culots non globulaires non réchauffés

Agents pharmaceutiques en préopératoire : midazolam, néfopam, tramadol, opioïdes

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V. Moyens de lutte 

Il existe différents moyens de lutte contre l’hypothermie péri opératoire :

  • Couverture à convection d’air chaud mise en place sur la plus grande surface corporelle possible (réchauffer le plus tôt possible, réaliser un effet de serre en recouvrant la tête si possible)
  • Réchauffement des solutés de remplissage, d’irrigation et des culots globulaires
  • Réchauffement des gaz inspirés : filtre antibactérien échangeur de chaleur et d’humidité, chaux sodée, bas débit de gaz frais

Le réchauffement per opératoire du patient permet de :

  • Lutter contre l’hypothermie
  • Prévenir les complications en per et post opératoire
  • Améliorer le confort du patient

 

VI. Monitorage

Il n’existe pas de recommandation française sur le monitorage de la température centrale per opératoire.

Aucune étude n’a montré l’intérêt du monitorage de la température pendant la durée de l’anesthésie dans le but de diminuer les complications liées à l’hypothermie. Cependant, compte-tenu des complications potentiellement sévères de l’hypothermie, les recommandations britanniques ou allemandes incitent à mesurer en peropératoire la T°C afin d’identifier l’hypothermie et d’en diminuer la survenue et la durée (monitorage continu recommandé en Allemagne).

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VII. Conséquences

Respiratoires : diminution de la réponse à l’hypoxie et à l’hypercapnie, hypoventilation alvéolaire

Cardiaques : diminution du débit cardiaque, augmentation des résistances vasculaire et de la morbidité cardiovasculaire en dehors du frisson, vasoconstriction

Pharmacologiques : diminution de la MAC et de l’élimination des halogénés, prolongation de la curarisation et augmentation des effets des morphiniques

Hématologiques : augmentation des pertes sanguines et des volumes transfusés

Autres : augmentation du temps de réveil et de séjour en SSPI, du temps de cicatrisation, des  infections pariétales et de la durée d’hospitalisation, de la mortalité chez le polytraumatisé

Inconfort, frisson, douleurs et mauvais souvenirs

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VIII. Frisson post opératoire

Le frisson correspond à des mouvements involontaires affectant un ou plusieurs groupes de muscles survenant précocement au réveil d’une anesthésie.

Il peut être dû à l’hypothermie mais aussi à la douleur.

Toute calorie perdue en per opératoire est remboursée au réveil :

  • Augmentation de la VO2 au réveil
  • Hypersécrétion des cathécolamines entraînant une tachycardie, une augmentation du débit cardiaque, une vasoconstriction artériolaire, une hypertension artérielle, une augmentation de la post charge cardiaque, une diminution de la SvO2 et de la PAO2

Traitement du frisson : réchauffement actif, morphiniques, Néfopam, Tramadol, Clonidine, Phytostigmine

 

IX. Recommandations SFAR 2018

Recommandé :

  • Lutter contre l’hypothermie péri-opératoire afin de diminuer la survenue des complications infectieuses, cardiovasculaires et hémorragiques chez le patient anesthésié
  • Utiliser le réchauffement cutané actif pour diminuer les complications de l’hypothermie chez le patient anesthésié
  • Lorsque le volume administré est important, de réchauffer les fluides IV avec un matériel dédié, et toujours en association avec un réchauffement cutané actif, afin de limiter la chute de la température pour les patients anesthésiés
  • Réchauffer les produits sanguins labiles avec un matériel dédié pour les patients anesthésiés, et toujours en association avec un réchauffement cutané actif, afin de limiter la chute de la température et les complications cardiaques liées à leur basse température
  • En cas d’hypothermie à l’arrivée en SSPI, d’utiliser un dispositif de réchauffement cutané actif pour atteindre la normothermie le plus rapidement possible

Probablement recommandé :

  • Maintenir une T°C ≥ 36,5°C afin de diminuer les complications hémorragiques chez le patient anesthésié
  • Effectuer un réchauffement cutané actif avant l’induction de l’anesthésie (pré-warming) pour prévenir l’hypothermie et/ou de diminuer la fréquence des complications infectieuses
  • Privilégier le réchauffement cutané actif au réchauffement passif par l’isolation cutanée avec des vêtements ou couvertures réfléchissants pour maintenir la température chez le patient anesthésié
  • Réchauffer les liquides d’irrigation chirurgicaux avant de les administrer dans le but de maintenir une T°C > 36°C pour les patients anesthésiés
  • Utiliser les dispositifs de réchauffement actifs sans craindre une augmentation du risque infectieux attribuable à leur utilisation pour les patients anesthésiés
  • Préférer les dispositifs utilisant l’air chaud pulsé aux dispositifs à circulation d’eau chaude pour atteindre la normothermie

Les experts suggèrent que les dispositifs de réchauffement actif peuvent être pourvoyeurs de complications à type de brûlure en cas d’usage inapproprié.


Pour résumer ..


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Sources:

  • Cours école IADE
  • Fiches pratiques IADE, D. Naudin, MR Losser, C. Gavet, 2017, Elsevier Masson
  • Guide pratique périanesthésique pour les IADE, François Bart, Sophie Lamy, 2021, Lamarre
  • Hypothermie peropératoire sur sofia.medicalistes.fr
  • Le guide de l’infirmier anesthésiste, Catherine Muller, 2015, Elsevier Masson
  • Prévention de l’hypothermie peropératoire accidentelle au bloc opératoire chez l’adulte sur sfar.org

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Mis à jour le 21/07/2024

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Auteur : Julie VIOLET

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