Troubles de la personnalité et du caractère
I. Concept de personnalité
Résultat, chez un sujet donné, de l’intégration dynamique de composantes cognitives, pulsionnelles et émotionnelles
- le caractère correspond à l’acquis, fruit de l’apprentissage et de l’histoire relationnelle
- le tempérament correpond à l’inné, à l’expression de facteurs biologiques
L’agencement de ces différents facteurs constitue les traits de personnalité, à savoir les modalités relationnelles de la personne, sa façon de percevoir le monde et de se penser dans son environnement
Stable dans le temps
Spécifique d’un individu
Structuré à partir de l’âge adulte
Pathologique quand se rigidifie, entraînant
- des réponses inadaptées
- source d’une souffrance ressentie par le sujet
- ou d’une altération significative du fonctionnement social
Souvent décelés à la fin de l’adolescence
Fréquemment associé à des troubles psychologiques
II. Stades de développement
STADES DE FREUD (1856-1939)
Développement libidinal de l’enfant
- stades prégénitaux: stade oral (avant 2 ans), stade anal (2-4 ans), stade phallique (3-5 ans)
- complexe d’Oedipe et angoisse de castration (4-7 ans)
- période de latence (7-12 ans)
Puberté et passage à l’âge adulte
STADES DE PIAGET (1896-1980)
Stade l’intelligence sensori-motrice (0-2 ans)
Stade de l’intelligence pré opératoire (2-6 ans) = vers l’acquisition de la symbolique
Stade des opérations concrètes ou de l’intelligence opératoire (6-10 ans)
Stade de l’intelligence post-formelle (10-16 ans)
De nombreux sous-stades..
STADES DE WALLON (1879-1962)
Vision plus globale de l’individu
Stades impulsif et émiotionnel (0-1 an)
Stade sensori-moteur et projectif (1-3 ans)
Stade du personnalisme (stade du “non”, 3-6 ans)
Stade catégoriel (abstraction, 6-11 ans)
Stade de l’adolescence (11-16 ans)
III. Mécanismes de défense
Indispensables au bon fonctionnement du moi
- refoulement: pulsions renvoyées à l’inconscient
Retour de refoulé sous forme de symptôme (hystérie)
- déplacement: affect d’une pulsion déplacé vers le corps ou un objet (ex: phobie)
- projection: paranoïa
- identification
- régression
Sublimation
IV. Normal / Pathologique
Plusieurs angles d’approche
- analytique: normalité comme équilibre entre les défenses et les évènements traumatiques actuels ou passés (statistique: norme du plus grand nombre ?)
- fonctionnelle: adaptation psychosociale correcte
APPROCHE CATÉGORIELLE
Limite entre normal et pathologique par une approche qualitative (valeur seuil)
- le diagnostic positif requiert un nombre minimum de critères
Définit plusieurs types de personnalités pathologiques
Utilisée dans les classifications actuelles (DSM et CIM)
Dans le DSMIV classé dans l’axe II
- axe I: troubles cliniques (ex: schizophrénie, trouble de l’humeur..)
- axe II: troubles de la personnalité et retard mental
PERSONNALITÉ PATHOLOGIQUE
Définition de K. Schneider (1933): “personnalité pathologique = attitudes et comportement d’un individu qui sont une cause de souffrance pour le sujet et son entourage”
Ce n’est pas une maladie mais un mode de relation aux autres
En dehors des épisodes aigus
A l’exclusion de toute autre cause organique
Mode durable des conduites et de l’expérience vécue déviant notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu
Stable dans le temps
Envahissant et rigide source de souffrance ou d’une altération du fonctionnement
Domaines perturbés
- la cognition (c’est à dire la perception et la vision de soi-même, d’autrui et des évènements)
- l’affectivité: diversité, intensité, labilité et adéquation de la réponse émotionnelle
- le fonctionnement interpersonnel (relations sociales)
- le contrôle des impulsions
Prévalence
- 6% à 9% en population générale
- 40% dans la population psychiatrique
Trouble de la personnalité peut prédisposer à certaines pathologies psychiatriques
Axe II de la classification des maladies
V. Les troubles de la personnalité
3 TYPES DE PERSONNALITÉ PATHOLOGIQUE
Groupe A (dites “psychotiques”)
- paranoïaque
- schizotypique
- schizoïde
Groupe B (dites “extraverties”)
- histrionique
- narcissique
- borderline
- antisociale
Groupe C (dites “introverties”)
- évitante
- dépendante
- obsessionnelle et compulsive
PERSONNALITÉ PARANOÏAQUE
Hypertrophie du Moi
- égocentrisme
- surestimation de soi
Psychorigidité
- entêtement
- autoritarisme, sens du droit
- intolérance
- “discours ne supportant que peu de contradiction”
Faussetés du jugement: raisonnement pathologique (paralogies)
Méfiance et susceptibilité à l’égard d’autrui
Terrain: Homme > Femme
Prévalence: 0.5 à 2% en population générale
Complications
- adaptation socioprofessionnelle possible mais conflictuelle
- décompensation délirante (jalousie, hypochondriaque, revendicatif)
- actes hétéro-agressifs
Souffrance de l’entourage
Variante
- personnalité sensitive de Kretschmer (sans hypertrophie du moi): hyperémotivité, susceptibilité, hyperesthésie des relations, tendance à l’introspection et au repli sur soi, ambiance suspicieuse
- complication: délire de relation des sensitifs avec risque dépressif et suicidaire
PERSONNALITÉ SCHIZOTYPIQUE
Principaux traits de caractère
- bizarrerie et excentricité de la pensée, des idées, du discours et du comportement
- pauvreté du contact
- anxiété sociale majeure
- hypersensibilité à la critique
- distorsions cognitives (pensée magique, croyances bizarres)
= forme “mineure” de schizophrénie sans tous les éléments diagnostics
Epidémiologie
- 3% de la population générale
Complications
- évolution vers la schizophrénie dans 60% des cas
- difficultés d’insertion socio-professionnelle
PERSONNALITÉ SCHIZOÏDE
Principaux traits de caractère
- retrait/isolement social
- froideur affective
- pauvreté et bizarrerie des contacts
- intérêt pour les pensées abstraites, le mysticisme, la métaphysique
- caractère “solitaire” (imaginaire, introspection)
- émoussement de l’affectivité: vie sentimentale et sexuelle quasi inexistante
- en l’absence de troubles psychotiques
Epidémiologie
- 3% de la population
Evolution
- peu de tendance à l’évolution
- retrait socio-affectif majeur
- possible mode d’entrée dans la schizophrénie
PERSONNALITÉ HISTRIONIQUE
Principaux traits de caractère
- dramatisation, théâtralisme, hyperexpressivité
- hyperémotivité
- rapports affectifs superficiels et labiles
- suggestibilité
- érotisation des rapports sociaux (séduction)
- troubles sexuels (frigidité)
- mythomanie
Terrain
- femme +++ 2% en population générale
- chez l’homme rare ‘”donjuanisme”) et mauvaise tolérance sociale
Evolution
- bonne adaptation socio-professionnelle en général
- somatisation
- dépression
- crises d’agitation spectaculaires
- rejet par les soignants..
PERSONNALITÉ NARCISSIQUE
Principaux traits de caractère
- sentiment grandiose de soi, forte estime de soi
- conduites arrogantes ou hautaines
- besoin d’attirer l’attention et l’admiration
- susceptibilité exagérée au jugement des autres
- défaut d’empathie
Complications
- dépression et effondrement narcissique
- abus de substances psychoactives
PERSONNALITÉ BORDERLINE
Principaux traits de caractère
- crainte angoissante de l’abandon (abandonnisme)
- sentiment chronique de vide et d’ennui
- relations interpersonnelles excessives avec alternance idéalisation/rejet
- impulsivité
- angoisse diffuse
- instabilité émotionnelle
- répétition de geste autoagressifs
Terrain
- femme > homme
- 2% population générale (20% des hospitalisations en psychiatrie)
Complications
- adaptation sociale possible
- autoagressivité forte avec auto-mutilations
- dépression
- suicide
- addictions
- TCA
Attention à la position des soignants
PERSONNALITÉ ANTISOCIALE
= personnalité psychopathique
Principaux traits de caractère
- anamnèse (ATCD de fugues, actes médicolégaux..)
- intolérance à la frustration, mépris des normes
- impulsivité (absence de mentalisation des conflits)
- incapacité à maintenir les relations, les emplois
- absence de sentiments de culpabilité, d’anxiété ou d’autocritique
- grande instabilité
- tendance à tromper par profit ou plaisir
Terrain
- homme > femme
- 2 à 3% population générale
Complications
- conduites antisociales et médicolégales répétées, incarcérations
- toxicomanies
- agitation clastique
- décès précoce (prise de risque ++)
- régression après 40 ans
Marginalisation et désinsertion socio-professionnelle
PERSONNALITÉ ÉVITANTE
= anciennement personnalité phobique
Principaux traits de caractère
- sentiment d’infériorité
- peur du jugement des autres
- évitement des contacts sociaux par peur d’être rejeté
- timidité, émotivité, effacement
Fuite et refus des responsabilités
Complications
- phobie sociale
- agoraphobie
- isolement social
- dépression
- conduites addictives à visée anxiolytique
Variante psychasthénique
- difficultés à prendre des décisions
- sentiment permanent d’imperfection, d’inachèvement
- tendance à la rêverie
- ruminations
- incapacité à agir
- procrastination (remettre au lendemain)
PERSONNALITÉ DÉPENDANTE
Principaux traits de caractère
- soumission et dépendance vis-à-vis d’autrui
- difficultés à prendre des décisions sans un assentiment
- tendance à laisser les décisions aux autres
- crainte de l’abandon
- manque de confiance en soi
- incapacité à exprimer un désaccord, à s’opposer à quelqu’un (tolérance de situations compliquées pour éviter l’autonomie)
Complications
- dépression
- phobie sociale
- difficultés sociales
PERSONNALITÉ OBSESSIONNELLE COMPULSIVE
= personnalité anankastique
Principaux traits de caractère
- besoin d’ordre excessif: perfectionnisme, fidélité, méticulosité, respect de l’ordre moral
- psychorigidité, obstination, entêtement, ritualisation
- investissement professionnel excessif
- soucis pathologique d’économie, collectionnisme
- tendance au doute, aux scrupules et à l’indécision
- réticence à déléguer (à moins que l’autre se conforme à sa manière de faire)
Complications
- troubles obsessionnels compulsifs
- dépression
- burn-out
PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DE PERSONNALITÉ
Primum non nocere
- attitude soignante ++
Psychothérapies
- de soutien
- psychanalytique
- cognitivo-comportementales (TCC)
- familiales
Chimiothérapie
- traitement symptomatique
- réservée à l’aigu
- traitement des complications ou des comorbidités
Conclusion
Personnalités pathologiques qui sont à prendre en charge dès lors qu’il y a souffrance pour le patient et/ou sa famille
Attention aux attitudes des soignants
Prise en charge complexe mais prise en compte nécessaire
- facteur de risque de décompensation
- facteur de non-réponse à certains traitements
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