Sujet

Mme Z Juliette, 38 ans, est suivie pour le second trimestre de sa grossesse. Lors de ce suivi les résultats des marqueurs sériques et des échographies évoquent une trisomie 21. Celle-ci est confirmée par le caryotype suite à la ponction amniotique.
Lors d’une échographie, un mois plus tard, une malformation cardiaque potentiellement génératrice d’insuffisance cardiaque est mise en évidence.

L’avis du médecin cardiologue pédiatrique lors de ce second trimestre éclaire sur une possibilité d’intervention chirurgicale néonatale visant à corriger la malformation et à contrôler le risque d’insuffisance cardiaque.

Ces éléments sont expliqués aux parents. 10 jours plus tard le couple revient voir le gynécologue.
Le mari explique qu’il souhaite une interruption de grossesse.
La patiente, son épouse, souhaite, au contraire, poursuivre la grossesse. Elle dit qu’elle a accepté les tests, non pas en vue d’une interruption de grossesse, mais pour se préparer psychologiquement à l’accueil éventuel d’un enfant en situation de handicap.

Le mari est ingénieur de profession, il est athée.
Son épouse, décoratrice d’intérieur, est catholique et pratique sa foi de façon occasionnelle. Ils sont tous les deux engagés dans la vie associative vis à vis des personnes en situation de précarité.
La grossesse est poursuivie. A 8 mois et demi, la patiente accouche, mais au décours immédiat, l’enfant présente un tableau de décompensation cardio-respiratoire nécessitant un transfert en réanimation néonatale. L’intervention chirurgicale initialement évoquée ne peut être réalisée dans ce contexte d’urgence.
Au bout de 8 jours de réanimation, les avis des pédiatres réanimateurs convergent pour dire que la situation de l’enfant est sans espoir et que le pronostic vital est engagé.
La situation est expliquée aux parents. Le père souhaite un arrêt de la réanimation. La mère souhaite poursuivre, espérant que son enfant va s’en sortir et qu’il pourra vivre.
L’équipe infirmière est partagée. Deux infirmières travaillant depuis plus de dix ans dans le service, partagent plutôt la position de la mère. Elles disent « tout est allé très vite pour la maman, elle n’a pas pu se préparer à cette situation ». Trois autres infirmières récemment diplômées mettent en avant la souffrance éventuelle de l’enfant et la pénibilité du travail lors de la réalisation des soins.

 

Analysez la situation éthique clinique en répondant aux questions suivantes :

Question 1 Suite à l’annonce de trisomie 21 et de malformation cardiaque pour l’enfant,

a. Citez et expliquez les conditions légales des choix envisageables par les parents au second trimestre de la grossesse. (2 pts)
b. Expliquez pourquoi la grossesse de Mme Z Juliette est poursuivie. (0,5 pt)

Question 2 Identifiez les personnes concernées dans la situation de néonatologie. (1 pt)

Question 3 A partir des informations contenues dans le texte, identifiez et analysez les éléments significatifs de chacune des personnes, dans la situation de néonatologie. (5 pts)

Question 4 Citez les éléments en tension et/ou bloquants dans la situation de néonatologie. (0,75 pt)

Question 5 Concernant la situation en néonatologie,

a. Identifiez et expliquez les concepts (philosophiques et/ou moraux et/ou juridiques et/ou déontologiques, cf code de déontologie des infirmiers) à prendre en compte dans le processus de décision face à cette situation clinique. (6,5 pts)
b. Expliquez et argumentez les décisions qui pourraient être envisagées dans cette situation. (2 pts)

Question 6 Identifiez et argumentez 2 critères de l’Ethique de la discussion qui illustrent le fonctionnement de votre groupe. (1 pt)

Question 7 Présentation du travail (orthographe, syntaxe, vocabulaire professionnel : 0,5 pt) (bibliographie, sources documentaires : 0,75 pt).

Correction

Question 1 

a) Les choix envisageables sont :

  • Soit prolonger la grossesse (0,25 pt) : ceci est un droit de la patiente : la loi sur l’interruption de la grossesse ne permet pas aux équipes d’imposer l’acte (0,50 pt)
  • Soit avoir recours à une interruption médicale de grossesse (0,25 pt) dont les conditions légales sont :
    • Acte possible sans limitation de terme (jusqu’au dernier jour de la grossesse) (0,25 pt)
    • Conditionné à un avis favorable d’un CPDPN (centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal) (0,25 pt)
    • Consentement obligatoire de la patiente (0,25 pt)
    • L’avis du conjoint n’a pas de valeur légale, même si marié (0,25 pt)

b) La grossesse est poursuivie car c’est la décision de la patiente, qui prévaut, quel que soit l’avis du CPDPN et l’avis du conjoint (0,5 pt)

 

Question 2 

Madame Z, la patiente + Monsieur Z, le conjoint (0,5 pt) – l’enfant (0,25 pt) – les médecins pédiatres réanimateurs (0,25 pt) – l’équipe IDE (0,25 pt)

 

Question 3 

Madame Z. la patiente : La décision de refus d’arrêt de vie ou de limitation des soins est à mettre en cohérence avec son refus d’interrompre la grossesse. (0,50 pt) Ceci peut être en rapport avec ses convictions religieuses (catholique), et/ou ses valeurs personnelles (conception de la vie) (association précarité/acceptation du handicap) (0,50 pt). Autonome (0,25 pt).

Monsieur Z. Sa position s’inscrit dans une « logique », depuis l’annonce du diagnostic il considère la poursuite des soins comme aussi problématique que l’était la poursuite de la grossesse. (0,50 pt) Ceci peut être en rapport avec le fait qu’il soit athée, et/ou qu’il ait une profession « cartésienne ». (valeurs personnelles) (0,25 pt)

Mère et Père ont l’autorité parentale conjointe (0,25pt)

Enfant : Non autonome, mineur et ne peut donner son avis du fait de son âge, pronostic vital engagé (0,50 pt)

Les I.D.E n’ont pas les mêmes points de vue.

Leurs différences peuvent être en lien avec des niveaux d’expériences professionnelles ou personnelles différentes. (0,25 pt)

Il peut y avoir des rapports différents de sensibilité à:

  • Respecter ou non le travail de deuil de la patiente en respectant son souhait d’une prolongation de la réanimation (0,25 pt)
  • Accepter ou non la souffrance induite par les soins sur l’enfant/ difficulté à évaluer et percevoir la question de la douleur chez le nouveau-né/ Est-il légitime de lui faire porter ces éventuelles souffrances. (0,25 pt)
  • Accepter ou non la pénibilité de la réalisation des soins par IDE (souffrance professionnelle) (0,25 pt)

Le Positionnement IDE peut être influencé par leurs valeurs personnelles (vécu, histoire de vie…etc.) (0,25 pt)

Les médecins pédiatres réanimateurs ; unanimes sur la question du pronostic et l’issue de la situation (0,50 pt). Ils fondent leur raisonnement sur des arguments scientifiques (0,50 pt)

 

Question 4 

En regard des avis médicaux on note :

  • Le désaccord (ou “conflit”) entre les parents concernant la poursuite ou non de la réanimation (0,25 pt)
  • Le désaccord entre la mère et les médecins (0,25 pt)
  • Le désaccord entre les médecins et certaines IDE (0,25 pt)

 

Question 5 

a) Cette situation s’inscrit dans le cadre de la loi Léonetti/Claeys relative à la fin de vie (0,50 pt) (en effet elle s’applique à tous les âges de la vie et à tous les contextes médicaux, donc aussi en fin de vie en néonatologie).

Sont en questions :

L’obstination déraisonnable (0,50 pt) (0,25 pt si acharnement)

Principisme (0,25 pt)

  • Il s’agit d’un débat entre bienfaisance (pas de bénéfice attendu) (0,50 pt). Code de déontologie art 4312-10 “agir dans l’intérêt du patient” et de non malfaisance (souffrance de l’enfant) (0,25 pt)
  • Prise en charge de la douleur par les IDE (0,25 pt)

La limitation ou arrêt des soins (0,50 pt)

  • Attitude médicale possible, autorisée par la loi dès lors que l’on se trouve en situation d’obstination (0,50 pt)

Recueil de l’avis des parents concernant la limitation des soins (0,50 pt)

  • Ici détenu à part égal par les deux titulaires de l’autorité parentale, car pas d’autonomie de l’enfant dans cette situation (0,50 pt)

Une délibération collégiale (0,50 pt)

  • Elle est obligatoire (0,50 pt). Elle consiste en la mise en place d’une démarche d’éthique de la discussion (0,50 pt) (il convient que l’équipe arrête une attitude collective ; l’avis de tous sera prise en compte et débattu)

Mise en débat du concept de Justice (0,25 pt)

  • D’un côté défense des valeurs de la patiente (intérêt individuel), de l’autre intérêt collectif par rapport à l’accès aux lits de réanimation (perte de chance pour d’autres enfants, coûts économiques de X jours de prolongation des soins ?) (concept d’utilitarisme) (0,50 pt)

b) Deux propositions théoriques possibles :

  • Limiter les soins ou arrêter les soins (on ne fait rien de plus et on arrête certains traitements ou suppléances à visée curative) (0,50 pt) + (0,50 ptpour l’argumentation). Avec informations des parents et accompagnement des parents.
  • Prolonger la réanimation (0,50 pt) + (0,50 pt pour l’argumentation). Avec informations des parents et accompagnement des parents.

 

Question 6 

0,25 pt par critère retenu (x2) + 0,25 pt (qualité de l’argumentation d’un critère de fonctionnement du groupe de travail) (x2)

2 critères parmi 8 donnés en cours :

  • Symétrie des participants
  • Sincérité des arguments
  • Écoute réciproque
  • Attitude de responsabilité
  • Liberté d’adhérer ou non aux arguments discutés
  • Aucune contrainte extérieure possible
  • Volonté de construire une argumentation et de rechercher des pistes de décision
  • Le consensus doit être recherché