UE 1.3.S4 – Législation, éthique, déontologie
Université Paris Descartes (75)
Juin 2018
Sujet
Monsieur Raspail Antoine, âgé de 79 ans est atteint d’une insuffisance rénale chronique terminale traitée par hémodialyse depuis 6 ans.
Veuf, père de deux enfants âgés de 45 et 50 ans, il vit seul chez lui depuis le décès de son épouse trois ans auparavant. Il se rend en ambulance trois fois par semaine dans son centre de dialyse. Il exprime à l’équipe de néphrologie depuis plusieurs mois son désir de “tout arrêter” et “d’en finir”. Il explique que les tâches quotidiennes lui sont pénibles depuis le décès de son épouse, qu’il ne sort plus et qu’il a abandonné le club de bridge.
A la suite d’une chute accidentelle de sa hauteur responsable d’une fracture du poignet droit, il est hospitalisé dans le service de néphrologie où il est habituellement suivi avec une prise en charge orthopédique. A chaque visite du médecin, de l’infirmière ou de l’aide-soignante, il exprime de façon simple, claire et insistante son désir de mourir. Il demande d’ailleurs de façon persistante une aide pour mourir.
Il ne reçoit pas de visite de ses enfants, qui habitent à plusieurs centaines de kilomètres. Sans être brouillés, ils se voient très peu depuis le décès de Mme Raspail. Leurs contacts téléphoniques sont peu nombreux. Chacun vit sa vie de son côté. Mr Raspail est très fier de la réussite sociale de ses enfants. Seul un de ses voisins lui rend visite.
Il n’a pas désigné de personne de confiance et ne voit pas qui pourrait tenir ce rôle pour lui et ne souhaite pas rédiger de directives anticipées car il est lucide et demande en toute conscience de mourir. Il ne supporte plus les dialyses qui l’épuisent et dont il ne voit pas l’intérêt en l’absence de projet de vie. Il a le sentiment d’avoir vécu ce qu’il avait à vivre et de l’avoir bien vécu. Il souffre physiquement de façon chronique malgré la prise en charge spécialisée (arthrose sévère) rendant très difficile le maintien de la position allongée pendant les séances de dialyses. Il n’a aucun projet car son état de santé l’empêche d’en concevoir, surtout depuis qu’il a tendance à perdre la mémoire. Malgré ses convictions religieuses (il est croyant et pratiquant), il veut mourir et demande avec insistance et conviction qu’on l’aide pour cela car il considère sa vie comme indigne.
Trois semaines après le début de l’hospitalisation, Mr Raspail devient agressif avec l’équipe soignante, essaie de se débrancher de la machine de dialyse, il ne reconnait pas l’infirmière qu’il accuse de vouloir le tuer. Il développe ensuite progressivement en quelques heures des troubles de la conscience. Le médecin prescrit un scanner cérébral en urgence. L’infirmière qui s’occupait de Mr Raspail pendant la dialyse ne comprend pas pourquoi ce scanner serait réalisé, compte tenu du souhait du patient de mourir. Sa collègue de salle est d’accord avec elle.
Une étudiante infirmière de 1ère année comprend la démarche, compte tenu de la dégradation rapide de l’état de conscience, et dit tout bas qu’elle est contre l’euthanasie. Un aide-soignant qui l’entend lui rétorque qu’elle n’a rien compris à la vie et qu’il serait temps de la légaliser. La famille est prévenue de l’aggravation par le médecin mais ils ne pourront pas se déplacer tout de suite et laissent la consigne de ne pas s’acharner.
Le résultat du scanner montre un hématome sous dural chronique avec des signes de saignement récent. Il existe une indication d’évacuation neurochirurgicale. Les avis dans le service sont partagés et passionnés. La cadre de santé du service demande au médecin de mettre en place une procédure collégiale pour décider d’une limitation des soins.
Le médecin accepte mais décide que la réunion collégiale n’aura lieu qu’au retour de l’intervention neurochirurgicale. L’équipe de soin est particulièrement mal à l’aise suite à cette décision. Trois avis se dessinent, les professionnels qui considèrent que cette décision est inacceptable et que chacun a le droit d’être protégé contre toute obstination déraisonnable, ceux qui pensent que le médecin aurait dû procéder depuis longtemps à une euthanasie, conformément à la demande du malade et ceux qui considèrent qu’il faut protéger la vie à tout prix.
Finalement, le médecin décide d’organiser en urgence la réunion collégiale.
Analysez cette situation clinique en répondant aux questions suivantes :
1). Identifiez les personnes concernées par la situation clinique (1,75 pt)
2). A partir des éléments du texte, identifiez et analysez les éléments significatifs pour chacune de ces personnes (6 pts)
3). Citez les éléments en tension et/ou bloquants à prendre en compte dans cette situation clinique (1 pt)
4). Concernant la situation clinique :
a. Identifiez et expliquez les concepts (philosophiques et/ou moraux et/ou juridiques et/ou déontologiques, cf Code de déontologie des infirmiers) à prendre en compte dans le processus d’analyse de cette situation clinique (6,75 pts)
b. Expliquez-la ou les propositions qui pourraient être envisagées et argumentez pour chacune d’elle leur pertinence (2,25 pts)
5). Identifiez et argumentez 2 critères de l’Ethique de la discussion qui illustrent le fonctionnement de votre groupe (1 pt)
6). Présentation du travail. (Orthographe, syntaxe, vocabulaire professionnel : 0,5 pt) (Bibliographie, sources documentaires : 0,75 pt).
Source: Université Paris Descartes