Madame V, âgée de 32 ans, a été diagnostiquée, suite à un test réalisé à sa demande, VIH positive en septembre dernier.
Lors de la consultation d’annonce, le médecin, puis l’infirmière d’éducation thérapeutique l’ont reçue (consultation des maladies infectieuses).
La patiente nécessite la mise en route d’un traitement qu’elle accepte, mais elle dit qu’elle le prendra en cachette de sa famille, de ses proches et de son compagnon, car elle souhaite garder le secret sur sa maladie.
La question lui est alors posée de savoir si elle vit toujours avec son compagnon. La réponse est « oui ».
L’infirmière et le médecin, lui demandent alors, si elle a des rapports sexuels et s’ils sont protégés. À ces deux questions la patiente répond qu’elle souhaite continuer à avoir des rapports réguliers et qu’à ce jour le couple ne fait pas usage de préservatif. Une information longue et détaillée lui est donnée sur ce point.
Après quelques semaines de suivi, les mêmes questions sont posées et les réponses demeurent les mêmes.
Un jour de décembre, le conjoint de Mme V, M. Z, âgé de 34 ans, se présente à la consultation pour un suivi de son diabète.
Les consultations des maladies infectieuses et de diabétologie se déroulent au même endroit. Ainsi, les infirmières qui réalisent le plus souvent les prélèvements pour bilans biologiques chez la patiente sont les mêmes que celles qui prélèvent le conjoint.
Nous savons que le patient est séronégatif pour le VIH, car le médecin a proposé cet examen lors du bilan d’entrée en consultation, il y a un mois.
Un débat se fait jour au sein de l’équipe soignante (aide-soignante, infirmières, médecins) quant à savoir ce qu’il faut dire ou non au conjoint et ce qu’il convient de faire en regard du risque VIH encouru.
Analysez cette situation clinique en répondant aux questions suivantes :
Question 1 Identifiez les personnes concernées par la situation clinique. (1 pt)
Question 2 A partir des éléments significatifs caractérisant chacune de ces personnes dans ce contexte. (2,5 pts)
Question 3 Citez et expliquez les éléments en tension et/ou bloquants à prendre en compte dans cette situation clinique. (2,5 pts)
Question 4 Concernant la situation :
a. Identifiez et expliquez les concepts (philosophiques ou moraux et/ou juridiques et/ou déontologiques) à prendre en compte dans le processus de décision face à cette situation clinique. (7,75 pts)
b. Citez les décisions qui pourraient être envisagées et argumentez celle que vous retenez. (4 pts)
Question 5 Identifiez et argumentez 2 critères de l’Ethique de la discussion qui illustrent le fonctionnement de votre groupe. (1 pt)
Question 6 Présentation du travail. (Orthographe, syntaxe, vocabulaire professionnel : 0,5 pt) (Bibliographie, sources documentaires : 0,75 pt).
Question 1
Madame V. la patiente (0,25)
Les médecins (0,25)
L’IDE d’éducation thérapeutique, les IDE de consultation, les aides-soignants de consultation (0,25)
Monsieur Z, (conjoint de Madame V.) (0,25)
Question 2
Madame V. la patiente : 32 ans, diagnostiquée VIH séropositive, vit en couple, a des rapports non protégés, accepte le traitement mais le prendra en cachette. Patiente très bien informée (0,50). Autonome (0,50): Capable de décider pour sa santé « Ne souhaite pas informer son conjoint »
Les médecins et l’I.D.E d’éducation thérapeutique qui abordent la question des rapports sexuels et du traitement (ont bien délivré les informations indispensables) et qui savent qu’ils sont non protégés (0,50) Les I.D.E de consultations et les aides- soignantes qui ont M. et Mme dans les 2 consultations et de ce fait connaissent la situation de l’un et de l’autre et qui s’interrogent sur ce qu’elles peuvent et/ou doivent dire (0,50)
Monsieur Z, (conjoint de Madame V.) : se présente en consultation pour le suivi de son diabète ; séronégatif pour le V.I.H, et qui méconnait le statut sérologique de sa conjointe (0,50)
Question 3
L’équipe soignante se pose la question « faut-il dire ou non au conjoint, peut-on ou non dire, et que convient-il de faire au regard du risque de V.I.H ? »
Tension entre informer (et trahir le secret professionnel) ou ne pas informer (et faire prendre un risque au conjoint) (0,50) Expliquer :
La loi et le code de déontologie imposent le Respect absolu du secret (1 pt) quitte à mettre en danger le conjoint (1 pt)
Question 4
a). Mobiliser les éléments de cours sur
Le concept de secret professionnel (ou confidentialité) (0,50)
Explication du secret:
Référence juridique : loi du 4 mars 2002 Art 1110-4 « …. Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement…a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant » et/ou charte (Chapitre 9) (0,50) et CSP (Code de déontologie IDE) (Art R 4312-5) (0,50)
L’obligation morale du respect du patient, en particulier, à travers le secret médical, point essentiel. Le “secret médical” est une des composantes d’une entité définie comme “le secret professionnel”, un des fondements de notre société démocratique, parce qu’il préserve l’espace de liberté de chaque citoyen vis-à-vis de la collectivité.
Le concept de dilemme (0,50)
Explication dilemme (1 pt) : à évaluer globalement en se rattachant à l’analyse de la situation en regard des définitions du cours sur conflits et dilemmes (cf. Cours) : un dilemme (du grec dilemma « double proposition») est un raisonnement comprenant deux prémisses (propositions jugées valables) contradictoires. En termes de philosophie morale : le dilemme exprime la situation où se trouve un agent lorsqu’il doit faire A et B mais ne peut faire à la fois A et B, ce qui le contraint donc à choisir entre l’un ou l’autre: quel que soit son choix, il n’aura pas rempli l’une de ses deux obligations.
Trois éléments sont constitutifs des dilemmes moraux :
De manière plus pratique, lors d’une démarche clinique:
Situation qui offre une alternative, menant à des résultats différents, mais que l’on ne peut hiérarchiser (« aussi bien » ou « aussi mal »)= synonyme de choix difficile ou douloureux « choix cornélien » (choisir entre l’amour et l’honneur, dans Le Cid; choisir entre sauver une enfant ou un autre, une personne ou une autre par exemple en médecine de catastrophe ou d’urgence)
Le concept d’Autonomie (0,50)
Explication à deux niveaux :
(1pt) pour le premier niveau : autonomie au sens de liberté (vis à vis de sa maladie, du secret et de sa démarche de soin)
« l’autonomie du patient signifie reconnaître à ce dernier le droit d’avoir des opinions et à faire des choix en fonction de ses valeurs propres »
Ce concept est en jeu, car la patiente à un droit à dire ou ne pas dire.
(1pt) pour le second niveau ; autonomie au sens de responsabilité.
Donc le concept de responsabilité (responsabilisation) est aussi ici en jeu tant au plan philosophique que juridique : J’exerce ma responsabilité vis à vis d’autrui comme un autre moi-même (Lévinas, Ricoeur) (j’agis positivement vis à vis de l’autre, car il est un représentant de mon « humanitude », mobiliser la sollicitude) et au plan juridique je suis également responsable de toute action pouvant nuire à autrui « notion de bienfaisance ».
Si elle a des rapports non protégés, sans en informer ses partenaires, elle est passible de sanction pénale (administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui) si la « victime » venait à l’apprendre et à en faire la preuve. Il faut le lui expliquer.
Le concept « devoir d’information » (0,50)
Explication devoir d’information, Art.R.4312-13 « l’infirmier met en œuvre le droit de toute personne d’être informée sur son état de santé dans le respect de ses compétences professionnelles… » (1 pt)
Le soignant se doit de donner à la patiente tous les éléments d’information sur sa pathologie, sur les risques qu’elle fait porter à autrui et sur sa responsabilité.
Cette démarche à un triple intérêt :
protéger son conjoint
protéger ses éventuels autres partenaires que l’équipe médicale ne pourra quoi qu’il en soit jamais contacter…
éviter une réinfection chez elle à une autre pathologie (Hépatite B, C) d’autant qu’elle est plus fragile car immunodéprimée (protéger l’autre = se protéger soi-même) Seul le ou la patiente peut ainsi être la solution d’une information et d’une prévention vis à vis de tiers, d’autant plus s’ils sont multiples.
Il faut donc mobiliser le concept d’information et de responsabilisation par les soignants (rôle propre) :
Ils doivent éduquer à la santé
Faire de l’éducation à la prévention (convaincre sur le préservatif)
Faire de l’ éducation thérapeutique (faire accepter le traitement) ; Art.R.4311-1/2/5 alinéa 6 «surveillance de leurs effets et éducation du patient ».
b) Deux propositions théoriques possibles : (0,50 X2)
Explication :
La première proposition est aujourd’hui illégale (risque de sanction à ce jour par la jurisprudence de rupture du secret). (1 pt)
Toute violation du secret médical, professionnel, entraine des sanctions possibles au plan pénal et déontologique et ouvre la possibilité de recours indemnitaire au plan civil (cf. cours sur la responsabilité).
Mais au-delà du juridique, il existe des arguments pour ne pas lever le secret sur le VIH :
si le secret médical était rompu dans une société, les personnes ne viendraient plus dans les lieux de soins et de dépistage, il y aurait défiance (rupture de la confiance) (1 pt)
Pas de pertinence de santé publique : (1 pt) Statistiquement très peu de patients séropositifs ne révèlent pas la sérologie ou ne se protègent pas vis à vis des partenaires (moins de 1% selon les études) : changer la règle du secret n’a donc pas de fondement pour un petit nombre de personnes concernées et donc n’a pas d’impact positif en terme de santé publique. Au contraire en cas de levée du secret comme principe général, le risque serait que beaucoup de personnes renoncent au dépistage, donc se méconnaitraient séropositives, donc ne se traiteraient pas et ne se protègeraient pas, aggravant la pandémie en terme de santé publique.
Ceci dit cet intérêt collectif à ne pas lever le secret peut aller à l’encontre d’un bénéfice (ou préjudice évité) à titre individuel.
A ce jour le collectif prime sur l’intérêt individuel.
Donc en terme de santé publique : Vision utilitariste.
Question 5
0,25 pt par critère retenu (x2)
+ 0,25 pt (qualité de l’argumentation d’un critère de fonctionnement du groupe de travail) (x2)
2 critères parmi 8 donnés en cours :
– Symétrie des participants (égalité de la parole de chacun : refus des positions de pouvoir et d’autorité)
– Sincérité des arguments
– Écoute réciproque
– Attitude de responsabilité (ne pas faire ce que l’on refuserait pour soi-même)
– Liberté d’adhérer ou non aux arguments discutés
– Aucune contrainte extérieure possible
– Volonté de construire une argumentation et de rechercher des pistes de décisions
– Le consensus doit être recherché : il ne doit pas être obligatoire ou être atteint à tout prix (cela fausserait le déroulement des débats) / des compromis sont possibles
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