Sujet

Les cultures du soigné et du soignant se rencontrent, Annelyse Lemaitre, Jusqu’à la mort accompagner la vie 2015/4 (N° 123), pages 95 à 102

De nos jours, les professionnels de santé sont de plus en plus confrontés à une réalité multiculturelle. Il est commun et aisé de penser l’approche multiculturelle lorsqu’il s’agit de prendre soin de patients ou résidents d’origine africaine, asiatique voire américaine. Il l’est moins de penser cette approche lorsque ces derniers sont originaires du mêmecontinent, voire des régions de notre propre pays. Cette multi culturalité peut être source de malentendus, voire de situations conflictuelles.

Comment prendre en compte cette diversité tout en respectant notre mission de soin et notre cadre d’intervention : domicile, établissement sanitaire ou médicosocial ? Cette approche nécessite de prendre conscience de notre propre culture, de nos limites individuelles et/ou collectives, de connaître les limites administratives, réglementaires et légales, de comprendre les systèmes de croyances de chacun à propos de la maladie, des représentations de la mort, du rapport à l’alimentation, à la notion d’intimité, de l’importance du groupe social d’appartenance, des particularités religieuses et funéraires…

En nous appuyant sur des situations cliniques vécues, nous allons tenter de décrypter certains codes.

Monsieur A., originaire du Portugal, est atteint d’un cancer digestif. L’équipe du réseau de santé est amenée à le rencontrer car il présente des signes d’inconfort liés à sa maladie : nausées, vomissements, douleurs. À l’interrogatoire, que ce soit pour relater son histoire personnelle ou son inconfort, Monsieur A. se tourne systématiquement vers Madame qui répond à nos questions. Dans un premier temps, l’équipe trouvant Madame très envahis- sante, ne laissant pas la parole à Monsieur, essaie de les isoler. Mais Monsieur se réfère sans cesse à Madame pour avoir les réponses. Après quelques recherches, l’équipe du ré- seau apprend que dans la culture portugaise, l’homme malade s’en remet automatiquement à son épouse, il attend d’elle qu’elle prenne soin de lui.

Ainsi, alors que notre culture du soin prône le patient acteur de sa prise en charge, dans cette situation, il nous faut composer avec la « culture de l’autre » et accepter d’avoir un tiers présent systématiquement.

Dans certaines cultures, comme dans certains pays d’Afrique, la croyance selon laquelle la démence serait liée à la sorcellerie est encore fortement ancrée dans la société, comme lemontre une étude menée en Zambie, où l’on voit que la maladie est parfois perçue comme un sort jeté sur certains individus (Kaona, 2011). Ailleurs, il est impossible d’évoquer cer- taines maladies car elles n’existent pas et n’ont pas de traduction dans le langage courant.

Parfois, nos propres représentations de la culture de l’autre nous poussent vers des situations cocasses.

Pour exemple, cette infirmière intervenant depuis de nombreuses années dans un foyer hébergeant des travailleurs émigrés suit Monsieur B., originaire du Mali, pour son cancer pulmonaire. Ces derniers mois, Monsieur B. est hospitalisé de plus en plus souvent et son état de santé s’aggrave. L’infirmière, avec l’accord du résident, contacte le réseau de santé pour l’aider dans sa prise en charge. Elle souhaite, de plus, une aide pour organiser le re- tour au pays de ce monsieur, « pour qu’il meure entouré des siens », dit-elle et évoque ses difficultés à faire entendre raison à cet homme, craignant qu’il ne comprenne pas bien les conséquences de sa décision de vouloir rester en France. Or, lors de la rencontre avec l’équipe du réseau de santé, Monsieur B. explique ne pas souhaiter retourner au pays, per- sonne là-bas ne connaît sa maladie, ce serait une honte pour lui, on lui a sûrement jeté un sort.

Il est important de ne pas projeter sur nos patients, résidents, nos propres désirs, nos interprétations des situations.

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Questions

Question 1 En vous appuyant sur vos connaissances en sociologie et en anthropologie acquises au cours de ce semestre, citez deux concepts que vous aurez repérés dans les extraits de l’article ci-dessus (repérage des concepts 2 pts/concept).

Question 2 Pour chacun des concepts, donnez-en une définition avec vos propres mots (définition 2.5 pts/concepts).

Question 3 En quoi ces concepts vous semblent-ils importants dans votre exercice soignant ? Argumentez en une quinzaine de lignes (5 pts).

Question 4 A partir de l’un de ces concepts que vous aurez choisi, décrire de manière objective et précise une expérience vécue ou observée lors d’un de vos stages infirmiers – 20 à 30 lignes (6 pts).

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