Sujet

Hélène Dionne, « De l’intimité à l’intimidation. Le harcèlement sexuel à l’égard des soignants », Gérontologie et société 2007/3 (n° 122), p. 139-144

Au début des années 1990, une nouvelle approche des sciences infirmières fut proposée ; elle suggérait de développer des relations plus intimes avec le malade (Salvage, 1990). Depuis, le personnel infirmier est encouragé à se rapprocher et s’engager auprès du malade, car il doit tenir compte non seulement des besoins physiques mais également psychologiques, émotionnels, sociaux et spirituels. Il importe alors de prendre le temps de parler au malade, de comprendre ses problèmes et de l’aider à les résoudre. La relation intime soignant-soigné possède des vertus thérapeutiques. Selon Hollinger et Buschmann (1993), exprimer de l’affection à des personnes âgées vivant dans des centres d’hébergement et les toucher leur procurent un bien-être physique et psychologique.

Les résidents âgés d’un centre d’hébergement ont de nombreuses occasions de vivre des relations intimes avec les soignants. Les soins dispensés constituent des opportunités pour se confier au personnel soignant et vivre un contact physique intime. Des résidents peuvent en profiter pour parler de la sexualité, voire oser faire des avances sexuelles. La valorisation de l’intimité dans les soins infirmiers est sûrement interprétée par certains résidents comme une invitation à l’intimité sexuelle. (…) À titre d’exemple, l’étude de Szasz (1983) rapporte que 25 % des hommes âgés d’un centre d’hébergement ont adopté des comportements sexuelsproblématiques: langage sexuel ordurier, geste sexuel déplacé (exemple : toucher un soignant ou exhiber ses organes génitaux) ou usage de la pornographie. Les paroles et les touchers sexuels peuvent être utilisés pour intimider les soignants. Il s’agit de provoquer la timidité, le trouble et la confusion chez le personnel infirmier. Ainsi des infirmières développent une peur de certains résidents car ils adoptent des comportements harcelant à caractère sexuel.

(…)

Face à des comportements sexuels manifestes, les soignants utilisent différentes méthodes pour contrôler la situation. Ainsi, ils peuvent banaliser les tentatives de résidents qui leur font des avances sexuelles en répondant avec humour, en plaisantant. Ils peuvent faire savoir au résident que son comportement n’est pastoléré et lui indiquer que son travail ne prévoit pas de faveurs sexuelles: « Je comprends que vous ayez des besoins sexuels, mais je ne suis pas ici pour les satisfaire ». Si le comportement sexuel persiste, ils utiliseront d’autres mesures pour se protéger: adopter une distance ou une posture d’évitement, passer moins de temps à le soigner, effectuer les soins avec un collègue. Ils ne tolèrent pas le comportement harcelant du résident lucide à leur égard, car il s’agit d’une dérogation à la règle de la pudeur qui suscite l’irritation et l’agacement. Toutefois, ils tolèrent davantage ce comportement si le résident souffre d’un trouble cognitif.

Il faut souligner l’importance de ne pas faire l’économie d’une interrogation, d’une évaluation et d’une intervention face au harcèlement sexuel pratiqué à l’endroit du personnel infirmier. Troublé et démuni face à ce comportement, le personnel soignant réagit rapidement: le réflexe prime sur la réflexion. Il s’agit de faire cesser le comportement indésirable sans s’interroger sur les besoins sexuels qu’il exprime. Ce geste déplacé peut aussi bien refléter une manie, qu’un inconfort corporel, une souffrance psychologique, une frustration, une difficulté à se trouver un partenaire sexuel qui constituent des facteurs déclencheurs du comportement harcelant. Une situation sexuelle problématique mérite d’être considérée par une équipe multidisciplinaire qui s’engage dans un processus d’évaluation de la situation et de planification d’une intervention.

Il importe que les mesures utilisées par les infirmières pour gérer une situation à connotation sexuelle soient partagées et discutées entre les membres du personnel soignant. Le groupe de paroles aide à prendre conscience de l’importance de dépasser l’arrêt d’agir pour concevoir et appliquer une réponse clinique visant le bien-être sexuel du résident.

L’approche positive ne consiste pas à tolérer et à subir le harcèlement sexuel, mais plutôt à le prévenir en améliorant les conditions de vie sexuelle des résidents par la reconnaissance de leurs besoins sexuels.

 

Questions

Question 1 Citez deux concepts sociologiques et/ou anthropologiques en lien avec le texte.

Question 2 Illustrez chacun des concepts à l’aide d’une phrase relevée dans le texte.

Question 3 Définissez les deux concepts en vous appuyant sur les théories vues en cours (vous pouvez user de vos propres mots pour cette définition) (a minima 10 lignes par concept)

Question 4 À partir des deux concepts précédemment définis, analysez le texte, c’est à dire chercher en quoi les concepts choisis s’appliquent ou non au texte. (environ 25 lignes)

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